lundi 18 mai 2009

Ama no sode

Composée le week-end du 16-17 mai 2009, Ama no sode est la composition la plus récente de ce printemps. En hommage aux floraisons de mai, elle porte le nom d'une variété de pivoine que j'aime particulièrement, aussi bien pour sa beauté spécifique que ces mots étranges dont jamais je n'ai su déchiffrer le véritable sens : Ama no sode. Fleur emblématique, elle apparaît déjà dans un roman composé entre 2000 et 2001, L'Aventure de Ludmilla Nour, que devaient publier les éditions Blanc Silex avant leur faillite inopinée qui mis un terme à ce projet. Voici un extrait de ce roman resté depuis à l'état d'inédit, dans lequel apparaît la mystérieuse Ama no sode :
- « J’ai découvert cette variété en visitant un jardin botanique. La fleur elle-même est d’un grand rouge, et de forme admirable, mais c’est surtout son nom qui m’a saisie. Je le trouvais étrange et solennel comme un fragment de poème inconnu. J’en ignorais le sens, mais je le pressentais dans l’eau indéfinie de cette formule. En la lisant, j’avais le sentiment que je la connaissais, mais à l’état troublé, exactement comme on perçoit l’oscillation d’un objet reflété qu’on ne peut totalement identifier, à la surface d’un lac. Tantôt, un des trois mots montait, se précisait jusqu’à presque livrer la clé de la formule entière, puis se diluait à nouveau et laissait affleurer l’un des deux autres. Je ne parle ni l’italien, ni l’espagnol, et moins encore le portugais, mais je pensais entendre et reconnaître l’extrême condensation d’une de ces langues.
« Chaque fois que je visitais ce jardin, je m’arrêtais devant cette fleur vibrante qui semblait me dire quelque chose que j’étais proche de deviner, sans jamais franchir la frontière de l’élucidation. « Ama no sode » résonnait d’une scansion latine, mais je penchais plutôt pour l’espagnol ou pour le portugais, surtout le portugais, car dans « sode », j’entendais la « saudade », la nostalgie. Je finis par m’imaginer qu’ « Ama no sode » signifiait quelque chose, comme par exemple : « aime moi, mais ne m’apporte pas la nostalgie », ou bien encore, « aime moi mais sache que tu boiras la coupe amère de nostalgie ». Cette interprétation sans aucun doute entièrement inexacte, me convenait bien. Je décidai d’acheter pour l’installer ici un plant d’Ama no sode, si cette fleur magnifique se trouvait par bonheur chez les pépiniéristes. Après avoir cherché longtemps, j’ai fini par trouver ce plant.
« Tu reviendras le voir dans quelques mois. Mais même ainsi, à l’état de buisson cassant, taillé très bas, il correspond au nom qu’il porte. Il ne s’épanouit que vers l’été, longtemps après les fleurs de renouveau. C’est une fleur des journées caniculaires lentement aspirées par le siphon de l’hébétude. Il faut la voir tôt le matin, lorsqu’elle n’a pas bu la rosée, puis dans l’après-midi, en plein vertige de combustion. Elle est alors vraiment fidèle à sa formule telle que je la comprends, d’autant plus forte et plus ardente qu’elle est dans l’amertume de ces énormes heures et de ces luminosités dont on ne sait même plus si elles sont aveuglantes ou simplement exsangues à force d’être intenses.

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